Le BIM & les droits d’auteur

Ces dernières années, le recours au BIM (Building Information Modeling/Management) comme méthode d'optimisation du processus de construction a véritablement pris de l’ampleur, une tendance conforme à la transition numérique du secteur de la construction. Associant géométrie et informations, ce modèle numérique permet l’échange de données entre les différents intervenants d'un projet de construction. Pour que cet échange soit fluide, des dispositions claires sont décrites et rassemblées dans le protocole BIM et le plan d’exécution BIM.

Le protocole BIM est un document contractuel reprenant les dispositions convenues et les attentes en matière de BIM. Idéalement, il doit être signé dès le début du projet par le maître d’ouvrage et les partenaires de projet connus. Le plan d’exécution BIM complète le protocole BIM et décrit le mode d'application pratique des dispositions convenues.[1] Si le BIM peut être source de gains d'efficacité et de qualité, il convient cependant d'accorder une attention particulière aux droits d'auteur. Tandis que, dans un projet traditionnel, l’architecte dessine un plan et en détient les droits d’auteur, l'utilisation d'un modèle BIM implique un échange d'informations bien plus nombreuses, chacune des parties étant titulaire des droits sur les informations ajoutées par ses soins.

Les droits d’auteur

Toute création de l'esprit concrète et originale est automatiquement protégée par des droits d'auteur. À cet égard, trois conditions doivent être réunies :

  1. Les créations doivent être concrétisées : l'idée même d'un plan n’est pas protégée par le droit d’auteur, seul le plan proprement dit en bénéficie.
  2. La création doit être originale
  3. La création doit s'inscrire dans la continuité d'un processus créatif susceptible de donner matière à discussion lors de l'évaluation. En cas de litige, il appartiendra au tribunal de trancher la question.

La question des droits d'auteur est principalement abordée dans le protocole BIM. On part du principe que lorsque plusieurs parties travaillent simultanément sur un modèle BIM, chacune d'elles reste propriétaire des droits sur sa contribution respective, potentiellement créative et originale. En outre, le protocole dispose clairement que chaque partenaire de projet doit se voir accorder les droits d'utilisation des informations afin de pouvoir s'atteler valablement aux tâches qui lui incombent dans le cadre du projet.

Il appartient également à tout partenaire de projet mettant des créations à disposition de garantir dans le protocole qu'il a bien obtenu les autorisations nécessaires auprès des tiers (y compris de ses propres travailleurs ou fournisseurs) ayant participé à une création intégrée au modèle BIM. Faute d'accord et si la contribution des différents auteurs ne peut être identifiée, on pourra même parler d'un droit d’auteur indivisible. Dans ce cas, chaque contributeur pourra faire valoir ses droits d’auteur sur l’ensemble du projet. Il est donc essentiel de convenir de bonnes dispositions et d’offrir une garantie aux personnes voulant utiliser la contribution de l'auteur/des auteurs durant le processus de construction.

En matière de droits d’auteur, on distingue les droits moraux des droits patrimoniaux. Les droits moraux sont inaliénables. Cela signifie que l'auteur du projet ne peut - en principe - pas y renoncer. Les auteurs peuvent toutefois accorder leur consentement à l’utilisation spécifique de leur travail ou à l'apport de certaines modifications. Pour ce faire, une convention doit être conclue entre le maître d'ouvrage et l'auteur de projet. Il appartient donc au maître d'ouvrage de bien réfléchir au préalable à l'utilisation ultérieure qu'il souhaite faire du modèle BIM (par exemple, pour la gestion d’actifs, l’entretien, le processus de rénovation, etc.).

Les droits d’auteur ne nécessitent pas de formalités ou d’enregistrement, mais il peut être judicieux d’acter l’idée dans un i-depot afin d'attester par la suite de l'apport créatif précis de chaque auteur concerné. Un tel i-depot permet de charger des documents et de les horodater. Les droits patrimoniaux peuvent être utilisés pour générer des revenus et sont transférables. Par exemple, un maître d'ouvrage ne peut pas vendre le plan d'un architecte sans son consentement, sauf accord contraire. Dans le cas d'un modèle BIM, il ne s'agit pas seulement de plans, mais aussi de la base de données rassemblant les informations relatives à l'ouvrage, que l'on peut utiliser dans une phase ultérieure pour l’entretien et la gestion du bâtiment.

Les droits patrimoniaux peuvent être transférés en vertu d’une convention de licence ou d’un contrat de cession de droits. Vous trouverez de plus amples informations sur la différence précise entre les deux notions sur le wiki Buildwise BIM Propriété intellectuelle et droits d'utilisation. La législation relative aux droits d’auteur vise avant tout la protection des droits de l’auteur (de projet). Cela implique donc également la nécessité, dans le chef de l'entrepreneur en charge de l’exécution, de contrôler un certain nombre d’éléments afin d’éviter toute violation involontaire de ces droits d’auteur.

Modifications du projet initial

Il s’agit sans aucun doute du point le plus délicat en matière de droits d’auteur : le droit de l'auteur à s'opposer à des modifications du projet initial tout en permettant au maître d'ouvrage et à l'entrepreneur d'exécuter valablement les travaux et de procéder à d'éventuels ajustements par la suite.  L'option la plus simple consiste évidemment à ce que, dans la licence, l'auteur autorise les modifications ou renonce à ses droits d’auteur (du moins, en ce qui concerne les droits patrimoniaux).

Dans le cas contraire, il y aura lieu de décrire en détail les modifications autorisées et celles qui ne le sont pas, ou de négocier en la matière. En cas de conflit insoluble, il faudra toujours mettre en perspective les droits de l'auteur et ceux du maître d'ouvrage, une situation qui n'est évidemment pas profitable à l’avancement d’un projet.

Modification par l’entrepreneur exécutant

Lorsqu'une convention de licence est conclue entre le maître d'ouvrage et l'auteur de projet, le document peut faire mention des intervenants habilités à la réalisation des travaux. Lorsque la collaboration entre le maître d'ouvrage et l’entrepreneur prend fin, la reprise des travaux par un entrepreneur externe peut constituer une violation de cette convention, même en cas de faillite de l’entrepreneur initial. 

 

Utilisation de photos, de représentations ou de vidéos

Il se peut que l’entrepreneur exécutant veuille placer des images sur son propre site internet à des fins promotionnelles. Pour ce faire, de solides dispositions doivent être convenues avec l'auteur de projet. En fonction des dispositions convenues entre le maître d'ouvrage d’ordre et l'auteur de projet, ces droits peuvent éventuellement être transférés, nécessitant dans ce cas le consentement du maître d'ouvrage.


Le maître d'ouvrage peut-il utiliser le modèle pour un autre projet ?

Le modèle de protocole BIM de Buildwise n'accorde au maître d'ouvrage que des droits limités d'utilisation du modèle, plus spécifiquement dans le cadre de la gestion du projet en question. Si le maître d'ouvrage souhaite malgré tout utiliser le modèle pour d'autres projets, il est conseillé d'inclure ces dispositions au protocole BIM du projet en question.

BIM & bases de données

Les bases de données sont considérées comme un type de propriété intellectuelle, couverte par deux sortes de protection : la protection par le droit d’auteur et la protection par le droit des bases de données. Pour que la base de données du modèle BIM puisse bénéficier d'une protection sous le droit des bases de données, un investissement conséquent doit être opéré et les données doivent être reçues/collectées et non créées.

Cette ligne de démarcation n'est pas toujours aussi claire dans le cas d'un modèle BIM, qui associe souvent différents modèles et données obtenues auprès de différents fabricants ou fournisseurs et relève donc du droit des bases de données.

La structure de la base de données peut aussi être examinée du point de vue des droits d’auteur. Pour que le droit d’auteur s’applique, il doit néanmoins être question d'un caractère original. Un modèle BIM est une transposition standardisée de la trame et de la structure d'un projet (projet qui, pour sa part, est bien protégé par des droits d’auteur) en base de données. La base de données proprement dite, qui constitue le modèle BIM, n’est donc pas protégée par des droits d’auteur.

Que faire en cas de non-respect des dispositions convenues ?

Les parties prenantes au BIM doivent faire preuve de la discipline nécessaire pour respecter les dispositions convenues. Si un litige survient à la suite d'un possible manquement, il est préférable d'opter pour une résolution du problème à l'amiable plutôt que d'engager des procédures judiciaires. Retrouvez de plus amples informations dans la newsletter « Comment résoudre un litige en matière de propriété intellectuelle ? ». Pour de plus amples informations sur les aspects juridiques du BIM, consultez la rubrique « Tout sur les aspects juridiques du BIM ».

Auteurs : Stefan Danschutter, Wim Mertens & Louis Casteleyn

Cet article a été rédigé en partie sur la base d’informations tirées du manuel « Intellectuele Eigendomsrechten in het bouwrecht » – Instituut voor bouwrecht, PY, 2022, AU : prof. Mr. Dr. E.M. Bruggeman, F.C. Crommelin & N. van Wijk-van Gist


[1] NB : En 2023, les documents BIM de Buildwise ont été mis  à jour, par souci de conformité à la norme BIM internationale NBN EN ISO 19650. Les précédentes clauses relatives au droit d’auteur de l’ancien protocole BIM peuvent désormais être consultées dans le Protocole d'information du projet.